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Pendant quelques moments, les trois étrangleurs avaient gardé un profond silence.

Au dehors, la lune jetait toujours de grandes


    punies ; mais, jusqu’à cette dernière époque, toutes les révélations faites à leur sujet par des officiers d’une haute expérience avaient semblé trop monstrueuses pour obtenir l’attention et la croyance du public ; on les avait rejetées et dédaignées comme les rêves d’une imagination en délire. Et pourtant, depuis de nombreuses années, au moins depuis un demi-siècle, cette plaie sociale dévorait les populations avec un développement effrayant, du pied de l’Himalaya jusqu’au cap Comorin, du Cutch jusqu’à l’Assam.

    « Ce fut en l’année 1830 que les révélations d’un chef célèbre, auquel on accorda la vie sous la condition de dénoncer ses complices, dévoilèrent le système tout entier : la base de la société thugie est une croyance religieuse, le culte de Bhowanie, sombre divinité qui ne se plaît que dans le carnage, et déteste surtout la race humaine ; ses plus agréables sacrifices sont des victimes humaines ; et plus on en aura immolé dans ce monde, plus elle vous récompensera dans l’autre par toutes les joies de l’âme et des sens, par des femmes toujours belles et par des jouissances toujours nouvelles. Si l’assassin rencontre l’échafaud dans sa carrière, il meurt avec l’enthousiasme d’un martyr, parce qu’il en attend la palme. Pour obéir à sa divine maîtresse, il égorge sans colère et sans remords le vieillard, la femme et l’enfant ; il sera, envers ses coreligionnaires, charitable, humain, généreux, dévoué, mettra tout en commun, parce qu’ils sont comme lui ministres et enfants adoptifs de Bhowanie. La destruction de ses