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ces paroles divines de celui que j’ai outragé, ces paroles qui devraient être la loi de l’humanité tout entière :


aimez-vous les uns les autres


« En vain, depuis des siècles, pour mériter mon pardon, puisant ma force et mon éloquence dans ces mots célestes, j’ai rempli de commisération et d’amour bien des cœurs remplis de courroux et d’envie ; en vain j’ai enflammé bien des âmes de la sainte horreur de l’oppression et de l’injustice.

« Le jour de la clémence n’est pas encore venu !…

« Et, ainsi que le premier homme a par sa chute voué sa postérité au malheur, on dirait que moi, artisan, j’ai voué les artisans à d’éternelles douleurs, et qu’ils expient mon crime ; car eux seuls, depuis dix-huit siècles, n’ont pas encore été affranchis.

Depuis dix-huit siècles, les puissants et les heureux disent à ce peuple de travailleurs… ce que j’ai dit au Christ implorant et souffrant :

« — Marche… marche

« Et ce peuple, comme lui brisé de fatigue, comme lui portant une lourde croix… dit comme lui avec une tristesse amère :