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À travers les grands troncs noirs des arbres… un homme a passé.

Sa taille était haute ; il tenait sa tête baissée sur sa poitrine ; sa figure était noble, douce et triste… Ses sourcils, unis entre eux, s’étendaient d’une tempe à l’autre et semblaient rayer son front d’une marque sinistre…

Cet homme ne semblait pas entendre les tintements lointains de tant de cloches funèbres… et pourtant, deux jours auparavant, le calme, le bonheur, la santé, la joie régnaient dans ces villages, qu’il avait lentement traversés, et qu’il laissait alors derrière lui mornes et désolés.

Mais ce voyageur continuait sa route absorbé dans ses pensées.

« Le 13 février approche, pensait-il ; ils approchent… ces jours où les descendants de ma sœur bien-aimée, ces derniers rejetons de notre race, doivent être réunis à Paris…

« Hélas ! pour la troisième fois il y a cent cinquante ans, la persécution l’a disséminée par toute la terre, cette famille qu’avec tendresse j’ai suivie d’âge en âge, pendant dix-huit siècles… au milieu de ses migrations, de ses exils, de ses changements de religion, de fortune et de nom !

« Oh ! pour cette famille, issue de ma sœur,