Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/229

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Malgré l’empire que celui-ci exerçait sur lui-même, la contrainte où il se tenait depuis son arrivée dans cette auberge maudite, et surtout depuis le commencement de la conversation de Morok et du bourgmestre, finissait par être au-dessus de ses forces ; d’ailleurs, il voyait clairement que ses efforts pour se concilier l’intérêt du juge venaient d’être complètement ruinés par la fatale influence du dompteur de bêtes ; aussi, perdant patience, il s’approcha de celui-ci, les bras croisés sur la poitrine, et lui dit d’une voix encore contenue :

— C’est de moi que vous venez de parler tout bas à M. le bourgmestre ?

— Oui, dit Morok en le regardant fixement.

— Pourquoi n’avez-vous pas parlé tout haut ?

L’agitation presque convulsive de l’épaisse moustache de Dagobert qui, après avoir dit ces paroles, regarda à son tour Morok entre les deux yeux, annonçait qu’un violent combat se livrait en lui. Voyant son adversaire garder un silence moqueur, il lui dit d’une voix plus haute :

— Je vous demande pourquoi vous parlez bas à M. le bourgmestre quand il s’agit de moi ?

— Parce qu’il y a des choses honteuses que l’on rougirait de dire tout haut, répondit Morok avec insolence.