Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.

muette, regardaient le soldat avec une anxiété croissante.

— Diable !… dit le bourgmestre en se levant brusquement, je n’avais pas songé à tout cela ; où donc avais-je la tête ? Mais que voulez-vous, Morok, lorsqu’on vient, au milieu de la nuit, vous éveiller, on n’a pas toute sa liberté d’esprit ; c’est un grand service que vous me rendez là, vous me le disiez bien.

— Je n’affirme rien, cependant…

— C’est égal ; il y a mille à parier contre un que vous avez raison.

— Ce n’est qu’un soupçon fondé sur quelques circonstances ; mais enfin un soupçon…

— Peut mettre sur la voie de la vérité… Et moi qui allais, comme un oison, donner dans le piège… Encore une fois, où avais-je donc la tête ?…

— Il est si difficile de se défendre de certaines apparences…

— À qui le dites-vous, mon cher Morok, à qui le dites-vous ?

Pendant cette conversation mystérieuse, Dagobert était au supplice ; il pressentait vaguement qu’un violent orage allait éclater ; il ne songeait qu’à une chose, à maîtriser encore sa colère.

Morok s’approcha du juge en lui désignant