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cation ? voyons, dépêchons… demanda brutalement le juge avec un bâillement d’impatience.

— Je n’ai pas à me justifier… j’ai à me plaindre, M. le bourgmestre, dit Dagobert d’une voix ferme.

— Croyez-vous m’apprendre dans quels termes je dois vous poser mes questions ? s’écria le magistrat d’un ton si aigre, que le soldat se reprocha d’avoir déjà si mal engagé l’entretien ; voulant apaiser son juge, il s’empressa de répondre avec soumission :

— Pardon, M. le bourgmestre, je me serai mal expliqué ; je voulais seulement dire que dans cette affaire je n’avais aucun tort.

— Le Prophète dit le contraire.

— Le Prophète…, répondit le soldat d’un air de doute.

— Le Prophète est un pieux et honnête homme incapable de mensonge, reprit le juge.

— Je ne peux rien dire à ce sujet, mais vous avez trop de cœur, M. le bourgmestre, pour me donner tort sans m’écouter… Ce n’est pas un homme comme vous qui ferait une injustice… oh ! cela se voit tout de suite.

En se résignant ainsi, malgré lui, au rôle de courtisan, Dagobert adoucissait le plus possible sa grosse voix, et tâchait de donner à son