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— Oui, c’est étonnant, comme je suis gai… je ris à la manière du vieux Jovial, sans desserrer les dents. Voyons, enfants, ne me grondez pas ; au fait, j’ai tort, la pensée de votre digne mère est mêlée à ce rêve ; vous faites bien d’en parler sérieusement. Et puis, ajouta-t-il d’un air grave, il y a quelquefois du vrai dans les rêves… En Espagne, deux dragons de l’impératrice, des camarades à moi, avaient rêvé, la veille de leur mort, qu’ils seraient empoisonnés par les moines… ils l’ont été… Si vous rêvez obstinément de ce bel ange Gabriel… c’est… que… c’est que… enfin, c’est que ça vous amuse… vous n’avez pas déjà tant d’agrément le jour… ayez au moins un sommeil… divertissant ; maintenant, mes enfants, j’ai aussi bien des choses à vous dire, il s’agira de votre mère, promettez-moi de ne pas être tristes.

— Sois tranquille, en pensant à elle, nous ne sommes pas tristes, mais sérieuses.

— À la bonne heure ! par peur de vous chagriner je reculais toujours le moment de vous dire ce que votre pauvre mère vous aurait confié quand vous n’auriez plus été des enfants ; mais elle est morte si vite qu’elle n’a pas eu le temps ; et puis, ce qu’elle avait à vous apprendre lui brisait le cœur, et à moi aussi ; je retardais ces confidences tant que je pouvais, et j’avais