Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE XI
Combat

L’abordage !… l’abordage !…
On se suspend au cordage,
On s’élance des haubans.

Victor Hugo, Navarin

« Maître Durand ! des boulets ! ! Maître Durand, il vient de se déclarer une voie d’eau dans la fosse aux lions. Maître Durand, ma tête, mon bras, tenez, voyez comme ça saigne ! » Et le nom de maître Durand, le canonnier-chirurgien-charpentier du bord, retentissait depuis le pont jusqu’à la cale, dominant le bruit et le tumulte inséparables d’un combat aussi acharné que celui qui se livrait entre le brick et la corvette ; et, de fait, à chaque volée qu’il envoyait, L’Épervier tremblait et craquait dans sa membrure comme s’il eût été sur le point de s’entrouvrir.

« Maître Durand, des boulets ! La voie d’eau ! Ma jambe ! répétaient des voix confuses et pressées.

— Mais, sacredieu ! un instant ; je ne puis pas tout faire : des boulets à envoyer en haut, une avarie à réparer en bas, vos blessures à regarder… Il faut commencer par le plus pressé, et puis on s’occupera de vous, tas de braillards ; car à quoi êtes-vous bons maintenant ? vous êtes aussi inutiles qu’une vergue sans voiles et sans ralingues.

— Maître ! des boulets ! vite des boulets !

— Des boulets ! vrai Dieu, quels coups ! si on joue cet air-là encore pendant un quart d’heure, nous serons à sec de gargousses. Tenez, enfants, et ménagez-les. Ce sont les dernières. » Alors M. Durand quitta le sac du canonnier pour prendre le maillet du calfat, et se précipita dans la fosse aux lions afin d’arrêter la voie d’eau.

« Sacrebleu ! je souffre bien », dit maître Zéli.

Il était étendu par terre dans le faux pont, à peine éclairé par un fanal soigneusement fermé ; sa cuisse droite ne pendait plus qu’à un seul lambeau, la gauche avait été entièrement emportée.