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Tout à coup une légère fumée s’éleva à son bord, un éclair brilla, un bruit sourd retentit, et un boulet siffla en passant près du beaupré de L’Épervier.

« La corvette commence à parler, dit Kernok, c’est notre pavillon qu’elle veut voir, la curieuse !

— Que faut-il hisser ? demanda maître Zéli.

— Ceci, dit Kernok, car il faut être galant. » Et il poussa du pied une vieille souquenille de matelot, toute tachée de goudron et de vin.

« C’est drôle ! » dit le maître, et le haillon se guinda majestueusement en haut de la drisse.

On croit que la plaisanterie parut faible à bord de la corvette ; car deux coups de canon en partirent presque au même instant, et les boulets hachèrent en quelques endroits le gréement de L’Épervier.

« Oh ! oh ! nous nous fâchons, la belle ; tu fais la bégueule, dit Kernok. À moi, Mélie ! et il s’allongea sur la couleuvrine qu’il avait baptisée de ce nom, visa, pointa : À toi, l’Anglaise ! » Et il fit jouer la batterie.

« Bravo ! s’écria-t-il, quand la fumée de l’amorce fut dissipée et qu’il put voir l’effet de son coup, bravo ! Vois donc, Zéli, déjà son perroquet de fouque en pantène : ça promet, ça promet, garçons ; mais c’est quand L’Épervier va lui chatouiller les flancs avec ses griffes d’abordage que l’Anglaise va rire.

— Hourra ! hourra ! » cria l’équipage.

La corvette ne riposta pas au boulet de Kernok, répara son avarie au plus vite, et laissa porter en plein sur le corsaire.

Alors elle en était tellement près qu’on entendait la voix et le commandement des officiers anglais.

« Enfants, à vos pièces, dit Kernok en se précipitant sur son banc de quart le porte-voix à la main ; à vos pièces, et, sacredieu ! ne faites pas feu avant le commandement. »