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yeux sans rencontrer son regard profond et toujours sérieux.

Quelquefois j’essayais de l’amuser des jeux familiers aux enfants ; mais elle ne s’y prêtait qu’avec répugnance, et me disait gravement de sa voix enfantine : — J’aime mieux rester là, près de vous, à vous regarder comme je regardais Ivan.

J’ai été beaucoup plus superstitieux que je ne le suis ; mais en pensant au singulier sentiment d’attraction que j’inspirais à cette enfant, je me rappelais, non sans un certain serrement de cœur (j’avoue cette misère), une bizarre tradition sanscrite que mon père m’avait souvent lue, parce qu’il avait, disait-il, été témoin de deux faits qui en confirmaient le texte.

Selon cette tradition — les gens prédestinés à une mort fatale et précoce avaient le pouvoir de charmer les enfants et les fous.

Or, en effet, Ivan avait charmé Irène, et il était mort d’une mort fatale.

Je charmais aussi Irène, et elle m’avait prédit une mort violente, en toute ignorance de la tradition.

Ces singuliers rapprochements étaient au moins bien étranges ; quelquefois ils me préoccupaient malgré moi.