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POÉSIE.

SUBMERSION DE LA VILLE D'IS[1].

 
Entends-tu la voix du prophète ?
Il dit à Gralon, au roi d’Is :
« Silence… interrompez la fête ;
Trève aux banquets par Dieu maudits.

Trève aux amours enchanteresses ;
Jetez vos couronnes de fleurs ;
Jetez les coupes de l'ivresse :
Après le plaisir, la douleur.

Celui qui fait sa nourriture
Des poissons des mers, Dieu vengé
Des poissons en fait la pâture,
Et qui mange sera mangé.

Qui dort dans la couche odorante,
Bercé sur les algues des mers,
Boira dans la coupe enivrante,
Pour hydromel les flots amers. »

Gralon parla : — Je vous convie
A quitter les festins ce soir.

  1. Tiré du Barzaz-Breiz, Chants populaires de la Bretagne, recueillis et traduits par M. le vicomte de la Villemarqué, membre de l’Institut, 4 édit, t. 1, p. 63 et suivantes. — « Il existait en Armorique (dit M. de la Villemarqué), aux premiers siècles de l'ère chrétienne, une ville, aujourd'hui détruite, à laquelle l'Anonyme de Ravenne donne le nom de : Keris ou de ville d’Is. À la même époque, c'est-à-dire vers l'on 440, régnait dans le même pays un prince : appelé Gradlon-Veur, ou le Grand, par l'auteur d'un catalogue dressé au VIe siècle… Selon la tradition populaire, la ville d'Is, capitale du roi Gralon, était défendue contre les invasions de la mer par un puits ou bassin immense, destiné à recevoir les eaux de l'Océan, dans les grandes marées, comme autrefois le lac Meris, celles du Nil.