Page:Suarès - Trois hommes - Pascal, Ibsen, Dostoïevski.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plateau dont l’aspect, sérieux en tout temps, est tragique quand le soleil s’y cache, on tombe dans un étroit vallon ; par un chemin heurté, entre les arbres, on descend au fond d’une sorte de trou, où, ceinte de hautes murailles, et voilée sous le feuillage, avait été fondée l’abbaye de Port-Royal.


L’abbaye a été vaste, les fabriques considérables. Il y eut plusieurs corps de bâtiments. L’hôtel où logeaient les solitaires, faisait face au cloître où les Filles du Saint-Sacrement s’étaient vouées à l’adoration perpétuelle. Dans une école illustre, on enseignait les enfants, dont fut Racine. Une chapelle était le lieu d’assemblée où tant d’hommes, de femmes et de petites créatures si dissemblables se réunissaient dans une pensée commune : en dépit de tout, la marque en restait ineffaçable, tant elle avait mordu fortement sur l’âme.

Un jardin séparait la maison des religieuses et celle des Messieurs. Les enfants logeaient dans une aile basse, où se tenaient les catéchismes. Le verger, le potager, s’étendaient au delà comme le témoignage du travail le plus agréable au ciel peut-être. La perfection de l’homme simple et paisible est, sans doute, celle du frère lai, qui passe des champs à la chapelle, de la bêche au psautier,