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I

À PORT-ROYAL


Un jour que le tumulte de la calomnie et des invectives s’était répandu le plus insolemment dans Paris, et troublait le plus cette ville injurieuse, M. de Séipse, incapable de le subir plus longtemps, prit parti de le fuir, et s’en fut à la campagne. M. de Séipse souffrait, en effet, du désordre comme d’une injure personnelle, que son temps lui eût faite, et que tout le peuple eût conspiré à lui faire. Une profonde colère, froide et secrète, le dévorait de sentir en lui-même la puissance de l’ordre, de s’en connaître la volonté, et de savoir qu’elle dût être sans effet. Le pouvoir d’un homme est la moyenne de ce qu’il peut lui-même, et de ce que les circonstances lui permettent, — l’accord de sa force propre avec la fatalité des événements. C’est pourquoi tout homme puissant s’est toujours senti à deux doigts de ne pas l’être ; et il appelle son étoile ce bonheur de l’accident, qui ne suffit