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que pèsent leurs doigts : il est bien connu que ce ne sont que des millièmes de milligramme. Un docteur très docte méprise toute pesée au-dessus de ce poids. Que j’aime les voir se rendre justice.



Voici donc les termes d’une grande conscience : où il n’y a point d’amour de soi, il n’y a point d’égoïsme, et fût-ce dans le moi le plus tyrannique du monde. Il n’est pas égoïste, ce moi, qui ne peut se passer d’amour divin, et du bien où il se perpétue à l’infini, comme l’espèce dans le désir. Une faim ardente d’immolation y trouve son aliment, et, comme le désir, le moi se jette dans son cher abîme. Les générations de l’âme sont bien plus enivrantes que celles de la chair ; et le moi s’y précipite.

La lumière du jour ne donne pas d’elle-même des preuves plus fortes, que Tolstoï de ce caractère. Il a le besoin perpétuel d’amour. Il a le regret de la parfaite innocence. Il a cet appétit de la vérité universelle, dont s’aiguise la faim de l’immolation. C’est alors que le vrai est le bien ; et le bien, l’amour de toutes les créatures.