Page:Suarès - Tolstoï.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne peut être assez pour moi. Les souffrances d’un Dieu, qui veut être homme, voilà pour mon cœur l’émotion irrésistible. Combien, s’il est Dieu et s’il souffre, il est plus beau que s’il est homme ! — Cela ne se compare pas. »

Tolstoï, fidèle à l’esprit de sa race, cherche en tout ce qu’il y a de plus général et de plus voisin du commun. Mais il en est qui cherchent en tout ce qu’il y a de plus particulier et de plus divin. Ni ils n’ont le génie moins humain, quoi qu’il semble, — ni ils ne sont moins hommes. Peut-être sont-ils poètes plus qu’ils ne sont apôtres. Et peut-être, en effet, les apôtres et les prophètes ont-ils été plus semblables à Tolstoï qu’à Wagner. Cependant, Tolstoï ne rend pas justice à cette puissance d’amour qu’un Wagner déploie : elle aurait pu l’éclairer sur la nature de ce génie. Car enfin, cet extrême amour du divin gagne Wagner à Jésus-Christ. Comme tout amour, il l’engage au service et à l’imitation de l’objet aimé. Les préceptes de l’Évangile, quand même Wagner ne les suivrait que par caprice du cœur, il ne les offre pas moins à l’exemple de tout le monde. Il y a toujours du prince dans le grand