Page:Suarès - Tolstoï.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.

imité les vices de ses maîtres plus facilement que leurs vertus. Toutes sortes de corruptions n’ont pas gâté le fond de cet homme, qui excelle à se corrompre : s’il gagne la gangrène de l’Europe, le plus souvent elle ne lui entame pas le squelette.

On prétend qu’en grattant ce raffiné, on met à nu le barbare : c’est l’être neuf et sain qu’on veut dire. La même force, qu’il porte dans le vice et l’hypocrisie, nous est garante de celle qu’il a pour le bien et la vérité. Sans aucun doute, ceux de ces Russes, qui cèdent à une corruption si multiple, y atteignent un degré inconnu de méchanceté. Ils y mettent une réalité sensuelle, un scepticisme froid, une cruauté décidée et glaciale, où les Anglais eux-mêmes ne parviennent point ; car, chez ceux-ci, la raison vacille de bonne heure, et la demi-folie est habituelle au demi-équilibre. La force sensée que le Russe corrompu peut exercer dans le mal est un prodige. Il serait trop long de montrer d’où ce monstre tire sa vigueur, et de quelle moelle il est nourri.

Au contraire, le Russe qui résiste, ne perd pas son vernis de politesse et rentre en ses vertus de barbare. Le sol cultivé porte une plante plus vigou-