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révolte, où ils se désagrègent et se dissolvent. Les malheurs d’un couple passionné sont l’épisode le plus frappant de cette histoire. Mais les doutes et les expériences de Lévine en forment le fond. Le témoin de la tragédie, qui en fait constamment l’analyse, est le héros du drame : il est au cœur de ce monde condamné, dont les formes de mort sont plusieurs fois sur le point de l’emprisonner lui-même ; mais il garde la vie, et il la doit, peut-être, à la recherche perpétuelle des conditions où elle est possible. La douloureuse amante, qui avait en elle toutes les forces et toutes les séductions de la vie, en est dépouillée, peu à peu, par les crimes sans nombre d’une société si absurde, qu’elle fait le mal et le subit également, presque sans être criminelle : « Je me suis réservé la Vengeance », dit le Seigneur. C’est l’inscription mise par Tolstoï au frontispice de l’œuvre. Tout ne finit point avec la mort d’Anna, — ni sur le désespoir de Wronsky. Ils étaient condamnés avant de naître, étant sans remords de cette société, dont la vie est une mort continue. La Guerre et la Paix s’achèvent sur une promesse de vie, mélancolique et admirable : on voit poindre un jour nouveau, en tout pareil aux