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n’est pas dans mon dessein de dire ce que je pense. Mais je veux faire entendre que l’opposition de toutes les Églises de la terre ne sauraient empêcher Tolstoï d’être un grand chrétien.

Les Églises chrétiennes peuvent finir, tant le siècle a d’exigences, par ne plus penser du tout à Jésus-Christ. Mais les grands chrétiens ne vivent que de l’amour de Jésus-Christ ou de l’Évangile, et ne respirent que lui. Nul signe ne les marque plus expressément ; et, pour divers soient-ils entre eux, il les fait de la même famille. Cet amour continuel du Christ, dans la personne ou la doctrine, il est en saint Bernard comme en saint François, dans le moine de l’Imitation si tendre, comme dans Pascal si terrible, et dans cet enfant fra Giovanni de Fiesole, comme dans Tolstoï, le plus mâle des esprits. Le grand amour de Dieu a rendu tous ces hommes également amateurs des tâches difficiles. Le royaume du ciel est le seul où il vaille la peine de vivre : et, comme il est le seul où la vie soit, en effet, possible, il n’est pas un trésor sous la main, encore qu’on ne le paye jamais trop cher, quelque prix qu’on y mette. Le lieu de la vie, qui ne