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l’art ne sont qu’un résultat de l’action. Tolstoï n’a, pour ainsi dire, écrit qu’au soir des journées qu’il a dû vivre. Ses poèmes sont la réflexion de sa vie. Il était fatal, en son pays et en son temps, qu’il passât du livre à la nature, et qu’il finît par la charité. Le peuple russe cherche continuellement Dieu.

Les hommes de l’Occident, las d’agir ou sans force, se font des théories de l’action, pour en distraire un vague désir. Ils en ont d’incertaines, et de singulières, où l’on sent l’impuissance des gens de lettres, et la décrépitude où mène la littérature. Pour la plupart, ils opposent la pensée et l’action. Ils finissent par ne plus entendre l’action que sous l’espèce brute, la plus matérielle. Il leur semble qu’un homme d’action soit celui qui donne des coups de poing par métier; à tout le moins, celui qui fait le tour du monde, ou traverse l’Afrique. Qui les en croirait, ne serait pas loin de croire que Descartes, rédigeant la méthode, n’est pas homme d’action. Enfin, l’action, comme ils la prônent, n’est qu’une opinion littéraire. Comme la mode en vient, elle en peut passer. J’imagine que ces esprits énervés, dans leur