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ration et l’amour des âmes douces. Une étrange envie, qui n’ose s’en croire elle-même, s’y mêle encore : ils chérissent dans la douceur la perte infinie qu’ils ont faite, — l’innocence et la joie de la vie.

Comme ils aiment, ces simples créatures, qui ont vécu sans se voir vivre ! Qui sont nées, ont crû, et se sont évanouies à leur jour dans la prairie de Dieu, comme les plus humbles herbes du pré, qui ne sont pas les moins vertes, ni les moins joyeuses. Ils jettent un regard passionné sur tous ces êtres qui sont passés en faisant le bien, — Transivit nulli faciendo : car, ne faire que le bien, c’est n’avoir rien fait, selon l’honneur du monde. La plupart des hommes ne connaît la vie que par l’abus qu’ils en font sur les autres, ou celui que la vie des autres fait d’eux.

Il n’y a point de mère que le rire d’un enfant pénètre comme il fait le cœur de cet homme, où il ressuscite un monde, dont l’innocence fait le délice. La plus pure des choses, et la plus heureuse, est celle qui connaît le moins sa pureté et son bonheur. Cette grande âme est donc pleine de tristesse : elle enseigne une joie, qu’elle sait comme personne, et qu’elle ne peut plus goûter à