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Tolstoï, qui aime l’univers, est en lutte avec l’ordre universel : car il ne faut pas le vouloir à sa manière. Il n’est pas en prison, parce qu’il n’y en a pas une assez grande pour lui.

Mais il est plongé dans le profond cachot de sa condition d’homme, — au milieu du monde, et parmi cet amour de la vérité, qui est le désert infranchissable à presque tous. Qui ose y entrer ? Qui a le courage d’y poursuivre sa route ? Qui, surtout, honore assez la lumière aveuglante, et sans douceur peut être, qui baigne cet aride et sublime espace ? — Aux champs, Tolstoï parle donc volontiers à ceux de Yasnaïa Poliana, ouvriers et paysans ; il prend son plaisir avec les plus simples ; ils ont le cœur droit et fort : du moins, il est plus facile de le leur prêter et l’âme fraîche de l’enfant ; ils vénèrent la grandeur naïve ; et ils aiment comme ils admirent. Ils croient. Or, pour Tolstoï, comme pour tous ceux de son ordre, l’orgueil et la volonté sont d’être crus. On croit, grâce à ceux qui croient ; et ce sont eux qui nous rendent sûrs enfin qu’on est digne de se faire croire.

On a toujours besoin d’affirmation. Le plus