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L’amour de la vérité a fondé cet établissement. Ceux qui aiment la vérité, et ceux qui n’en sont que curieux, font deux espèces différentes. Les curieux de vérité n’y mettent pas du leur : elle leur sert, esclave humiliée, pour l’excellent et pour le pire. Ceux qui aiment la vérité ont tous une morale : et ils l’auront tôt ou tard, si d’abord la vérité les fuit, et s’ils la cherchent seulement, pourvu que ce soit avec amour. Les règles pour la conduite de l’esprit suppléent longtemps aux règles pour se bien conduire. La pensée droite est une caution de toute sorte de droiture. Le premier usage d’une bonne pensée est de reconnaître que l’homme n’est pas, comme on dit, « un empire dans un empire ». Et, de quelque côté qu’on incline cette pensée, dès qu’elle est sentie par le cœur, elle est le fondement de la morale. Pour l’amour, elle est une vérité de fait. Avec Tolstoï il en est allé de la sorte. Il a commencé par être tout à soi. Il s’est dégoûté de soi-même, et du reste, après s’en être épris par instinct, par devoir, par compassion. Enfin, quand il lui semblait que le monde fût vide, la vérité, qui ne l’avait point laissé se satisfaire d’une réponse médiocre, lui a découvert