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Au crépuscule, quand le jour s’en va, vêtue de souvenirs, la douleur me visite. Avec l’ombre, elle entre sans bruit, et s’installe à mon côté. Elle me touche l’épaule d’une main, et de l’autre elle me montre mon bien aimé qui me regarde. Que tous les vains mirages de la journée semblent plus vains encore… Les feux-follets de l’action se noient dans la masse du soir impénétrable. Tout le divertissement de la vie s’abîme dans la pensée unique : dans la sournoise tempête de Terre-Neuve, ainsi les canots surpris à la pêche, loin du bord, sont bus par l’océan. L’illusion du jour, ce travail de fourmi dans le sol meuble, s’évanouit. Et la fièvre de croire se rallume dans l’âme, avec les grands frissons du doute. J’ai peur et je claque des dents.

Tant de vie en ces yeux, qui me voient