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cœur de l’autre. À la mort de son père, François Talbot connut le néant dans l’univers. Pourtant, il se remit : le retour de son frère, après un voyage autour de la terre, fit son retour à l’existence. Si lourd que fût le chiffre de cette perte, et presque égal à la somme entière, il finit par ranger ce deuil à sa place, dans le total de la vie. Il se rendit à lui-même, pour toujours plus connaître, et enfin parce que le rythme de la vie est celui d’une création continue. On crée par le fait que l’on est, tant que la source n’est pas tarie. Et l’on est pour créer. Irrésistible épanchement, dont l’origine est dans le cœur.

D’un effort hardi, François Talbot voulut nier la mort. La vie lui paraissait si vaste partout, si belle dans son frère, si puissante en lui-même. Jamais il ne disait : « La mort de mon père », mais il parlait