Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assénât sur ma tête la nouvelle qui m’écrase. Je le sais : Celui que j’ai perdu, — est perdu. Rien ne me le rendra. Tous les trésors de l’univers, et tous les univers ensemble ne me rendraient pas cette fragile vie, ce cœur qui n’a battu qu’un moment. La voie lactée ne me le paierait pas. Il n’est plus. Je le sais. Il n’est plus, — perdu comme le premier mouvement de Wéga. Cette perte universelle vous console, philosophes, vaines machines à raisonner. Elle serait pour vous la plus révoltante de toutes, si vous étiez hommes. Je ne l’accepte pas ; je ne me résigne pas : je suis écrasé.

Que me veut cette raison, si elle prétend que je consente à ce qui émeut en moi une pitié éternelle, et l’horreur de toute la nature ? Faudrait-il pas que je fisse comme si une telle douleur ne me