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ta chair, et recule de la reconnaître : car elle t’y reconnaît et ne te reconnaît pas. Toute l’ordure de nos corps que j’ai fuie, m’en voici avide : puisque enfin il nous faut finir par là, ô noble créature. Que la chose sans nom me parle, à défaut de celui qui me nommait son frère. Qu’elle réponde à la chose sans nom que je vais être, si je ne la suis. Je lui livrerais ma vie pour la pleurer ainsi entre tes bras, et qu’ils me pressent.

— Je ne te parlerai pas de lui : je n’ose, dit la Chose Sans Nom ; et pourtant… Le dernier mot est à moi. Je suis le blasphème de l’amour ; et je survis à l’amour. Ton bien aimé m’avait en haine et dans le dernier mépris : « Que m’importe ? disait-il ; quand je ne serai plus, qu’on fasse de moi ce qu’on voudra. » Mais quoi qu’on en fît, c’est moi, la chose sans nom, qui