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l’océan. Les peupliers verts portent la tente du ciel bleu. Et le soleil monte, l’enseigne de la nature, le signe de ralliement. Son chiffre d’or pâle marque la sphère et le zéro de l’univers. Sa présence entre les arbres renouvelle ma tristesse et l’assure. Les traces de mon voyage dans la nuit, je les vois sans colère sur mes mains. Je suis tombé ; je suis plein de boue et de sang.

Tout mon être est le cygne dont la blancheur salie aspire à se laver. Il s’offre au bain bleu de l’air, à la fraîcheur lustrale de l’aube. Et je cherche les eaux fluides, qui pénètrent par tout le corps la retraite de l’âme. La douleur me rend les forces qu’elle m’a ôtées. Comme un vainqueur tend à son roi la tête de l’ennemi au bout d’une lance, je marche sous la pointe du regret. Oui, à l’égal de tous