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ce qu’il laissait l’empire, avec le même pouvoir, à deux Antonins, comme Antonin le Pieux l’avait laissé à Vérus et à Marc-Antonin, ses fils adoptifs, et surtout de ce qu’il avait sur lui l’avantage de donner pour empereurs au peuple romain, non des fils par adoption, mais ses propres fils : savoir, Antonin Bassien, qu’il avait eu de sa première femme, et Géta, né de Julie. Toutefois ses espérances furent bien trompées ; car l’un fut enlevé à la république par un fratricide, l’autre par ses excès ; et ce nom révéré ne fut dignement porté par aucun d’eux. Et certes, en interrogeant l’histoire, Auguste Dioclétien, on peut se convaincre qu’à fort peu d’exceptions près, aucun grand homme ne laissa un fils qui se soit rendu estimable et utile. Ou ces hommes célèbres sont morts sans postérité, ou la plupart d’entre eux ont eu des enfants qui, pour le bien du monde, n’auraient pas dû voir le jour.

XXI.

Pour commencer par Romulus, il ne laissa point d’enfants. Numa Pompilius n’en eut aucun dont la république pût s’honorer. Et Camille en eut-il qui lui ressemblèrent ? et Scipion ? et les Catons, qui furent si grands? Que dirai-je d’Homère, de Démosthène, de Virgile, de Salluste, de Térence, de Plaute, et d’une foule d’autres ? Parlerai-je de César ? de Cicéron, à qui il n’a manqué que de mourir sans postérité ? d’Auguste, qui ne put même pas avoir un bon fils adoptif, lui qui pouvait choisir entre tous ? Trajan lui-même ne se trompa-t-il pas en fixant son choix sur un de ses compatriotes et sur son petit-fils ? Mais laissons les fils adoptifs, de peur qu’on ne nous objecte Antonin le Pieux et Marc-Aurèle, ces bienfaiteurs de la république, et passons aux fils véritables. Que pouvait-il y avoir de plus heureux pour Marc-Aurèle, que de n’être pas le père de Commode ? pour Septime Sévère, que de n’avoir pas donné le jour à Bassien, à ce monstre qui, dans sa rage fratricide, osa, sous le prétexte que son frère conspirait contre lui, le faire assassiner ; qui épousa sa belle-mère où plutôt sa propre mère, dans les bras de laquelle il avait tué Géta, son fils ; qui fit mourir, pour n’avoir pu le contraindre à justifier son fratricide, l’illustre Papinien, cet asile du droit, ce trésor des doctrines de la jurisprudence ; Papinien qui était aussi son préfet, et qui, déjà si grand par lui-même et par sa science, l’était encore par ses dignités ? Enfin, pour abréger, je pense que les vices de Bassien contribuèrent à faire regarder Sévère, qui d’ailleurs était dur et même cruel, comme un prince estimable et digne d’avoir des autels. On dit qu’étant malade, il envoya à Bassien l’admirable discours qui se trouve dans Salluste, et par lequel Micipsa exhorte ses fils à la concorde ; mais ce fut sans succès... Antonin fut pour tous un objet de haine, et ce nom si longtemps vénéré, il le rendit enfin moins cher, quoiqu’il eût donné des vêtements au peuple (libéralité qui lui valut le nom de Caracallus), et qu’il eût fait construire des thermes d’une grande magnificence. On voit aussi à Rome un monument appelé le portique de Sévère, dont on attribue généralement la construction à son fils, et où sont rapportées les actions de ce prince.

XXII.

Voici quels furent les présages de la mort de Sévère. Il rêva qu’il était enlevé au ciel dans un char étincelant de pierreries, tiré par quatre aigles et devant lequel volait je ne sais quel