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des voleurs. Il écrivit avec fidélité l’histoire de sa vie publique et privée, ne cherchant qu’à excuser son penchant à la cruauté. Le sénat porta sur lui ce jugement, qu’il n’aurait pas dû naître ou n’aurait pas dû mourir[1], parce qu’il fut à la fois trop cruel et trop nécessaire à la république. Toutefois il se montra peu soucieux de l’honneur de sa maison, et il garda chez lui sa femme Julie, déshonorée par ses adultères et complice d’une conjuration. La goutte entravant parfois son activité pendant la guerre, les soldats, honteux de cette inaction, nommèrent Auguste son fils Bassien, qui était avec lui. Sévère se fit alors porter sur son tribunal, fit comparaître devant lui les tribuns, les centurions, les généraux, les cohortes qui avaient fait ce nouvel empereur, et jusqu’à son fils, qui avait accepté leur offre ; et là, il ordonna de punir, excepté Bassien, tous les auteurs de cette élection. Ceux-ci implorèrent à genoux son indulgence. Portant alors la main à sa tête : « Vous sentez donc enfin, dit-il, que c’est la tête qui commande, et non les pieds. » Comme ses services militaires et son savoir l’avaient élevé, avec l’aide de la fortune, des derniers grades jusqu’à l’empire, il disait souvent : «  J’ai été tout ce que l’on peut être, et cela ne me sert de rien. »

XIX.

Il mourut à York en Bretagne, après avoir soumis des peuples toujours prêts à envahir ce pays : il mourut dans on âge avancé, d’une maladie aiguë, la dix-huitième année de son règne. El laissa deux fils, Antonin Bassien et Géta, auquel il fit prendre aussi le nom d’Antonin, en mémoire de Mare-Aurèle. Il fut porté dans le tombeau de ce prince, pour lequel il avait une telle préférence, une telle vénération, qu’il mit jusqu’à son fils Commode au rang des dieux, et qu’il voulut faire du nom d’Antonin, au lieu de celui d’Auguste, le titre de tous les futurs empereurs. Le sénat, ses parents et ses fils lui firent des obsèques magnifiques, et on lui accorda les honneurs de l’apothéose. Ses principaux ouvrages sont le Septizone[2], les thermes de Sévère, et enfin, dans le quartier qui est au delà du Tibre, des galeries voisines de la porte appelée aussi de son nom[3] ; galeries dont la construction, fort bien entendue, contribue si heureusement à l’utilité publique. Tout le monde, après sa mort, en porta un jugement très-avantageux, surtout parce que ses fils ne firent aucun bien à l’Etat, qui, exposé ensuite aux tentatives d’une foule d’ambitieux, devint une proie qu’ils se disputèrent. Sévère était si simple dans ses vêtements, que l’on voyait à peine de la pourpre sur sa tunique, et qu’il se couvrait les épaules d’une chlamyde grossière. Il avait un ordinaire fort simple, une sorte de passion pour les légumes de son pays, quelque goût pour le vin, une certaine répugnance pour la viande. Il était beau, il était grand ; il avait une longue barbe, la tête blanche et les cheveux crépus, le visage imposant, la voix claire; mais il conserva jusque dans sa vieillesse l’accent particulier aux Africains. Il fut fort aimé après sa mort, soit que l’envie fût éteinte ou la peur dissipée.

XX.

Je me souviens d’avoir lu dans Élius Maurus, affranchi de Phlégon Trallien, que Septime Sévère témoigna, en mourant, une grande joie de

  1. Ce mot avait déjà été dit de plusieurs princes.
  2. Près de la porte Capène.
  3. La porte Septimiane.