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à faire massacrer le sénat, auquel il devait tant. Le sénatus-consulte à peine voté, Didius Julien envoya vers Sévère Tullius Crispinus, un des préfets. Il en créa un troisième, Véturius Macrin, à qui Sévère avait écrit pour lui donner cette dignité, Mais le peuple prétendit et Sévère soupçonna que cette paix n’était qu’un leurre, cachant le dessein de le faire tuer par le préfet du prétoire Tullius Crispinus. Quoi qu’il en soit, Sévère, du consentement même des soldats, aima mieux disputer l’empire à Julien que de le partager avec lui. Il écrivit sur-le-champ à Rome à plusieurs magistrats, et il y fit passer secrètement des édits, qui furent aussitôt proposés. Julien poussa la folie jusqu’à ordonner des opérations magiques, destinées, suivant lui, à calmer la haine du peuple et à rendre inutiles les armes de ses ennemis : on fit des sacrifices contraires à la religion romaine, et l’on chanta des hymnes profanes. Il eut aussi recours à cette espèce de divination qui se fait avec un miroir, derrière lequel des enfants, dont la tête et les yeux ont été soumis à certains enchantements, lisent, dit-on, l’avenir. Celui qu’on avait choisi vit, à ce que l’on prétend, l’arrivée de Sévère et la retraite de Julien.

VIII.

Sévère, d’après le conseil de Julius Létus, fit tuer Crispinus, qui était venu à la rencontre de ses éclaireurs. On annula aussi tous les sénatus-consultes favorables a Julien. Ce prince convoqua de nouveau les sénateurs, et leur demanda leur avis sur ce qu’il fallait faire; mais il n’en reçut aucune réponse positive. Alors, ne prenant plus conseil que de lui-même, il ordonna à Lollianus Titianus d’armer les gladiateurs de Capoue, et il manda près de lui, de sa retraite de Terracine, Claude Pompéien, gendre de Pertinax, et qui avait longtemps commandé les armées. Mais celui-ci s’excusa sur son âge et sur la faiblesse de sa vue. Julien apprit, en outre, que des soldats étaient passés de l’Ombrie sous les drapeaux de Sévère, lequel avait envoyé à Rome l’ordre de s’assurer des meurtriers de Pertinax. Julien se vit bientôt abandonné de tout le monde, et resta dans le palais avec Génialis, un de ses préfets, et avec son gendre Répentinus. Il fut enfin résolu que l’empire serait ôté à Julien, par l’autorité du sénat ; ce qui fut exécuté, et l’on donna aussitôt le titre d’empereur à Sévère, sur le bruit, répandu à dessein, que Julien s’était empoisonné. La vérité est que le sénat avait envoyé au palais des gens affidés, qui firent tuer Julien par un simple soldat, quoiqu’il implorât la clémence de César, c’est-à-dire de Sévère. Julien, en prenant possession de l’empire, avait émancipé sa fille et lui avait donné son patrimoine. Elle le perdit, par cette catastrophe, avec le nom d’Auguste, Sévère fit rendre le corps de ce prince à sa femme Manlia Scantilla et à sa fille, qui le déposèrent dans le tombeau de son bisaïeul, à cinq milles de Rome, sur la voie Lavicane.

IX.

On reprochait à Julien d’aimer la table, d’avoir la passion du jeu, de se livrer aux exercices des gladiateurs, et surtout d’avoir contracté dans sa vieillesse tous ces vices, dont sa jeunesse avait été exempte. On l’accusa aussi d’orgueil, quoiqu’il parût fort humble, même sur le trône. Il se montra, d’ailleurs, plein d’affabilité dans ses festins, de bonté dans ses décisions, de modération dans ses rapports avec les citoyens. Il vécut