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en campagne, paya les dettes qu'il avait contractées au commencement de son règne, et rétablit l'ordre dans les finances de l'État. Il affecta aussi certaines sommes à la construction d'édifices publics ; il en leva d’autres pour réparer les chemius ; il fit payer à un grand nombre de citoyens ce qui leur était dû depuis longtemps. Sous !ni enfin, le trésor put faire face à toutes les dépenses ordinaires. S’armant de courage, il supprima les distributions alimentaires auxquelles on avait droit à partir de neuf ans, en vertu d'un décret de Trajan. Il se rendit, comme particulier, suspect d’avarice, en ce qu'il profita, pour étendre ses domaines, de l'embarras ou des dettes avaient mis les propriétaires des environs de Vado [1]; et on lui donna, d'après un vers de Lucilius, le surnom de « plongeon de terre [2]. » Beaucoup de personnes l'accusèrent aussi, dans leurs lettres, de s'être montré cupide dans les provinces où il avait commandé comme consulaire; par exemple, d’avoir vendu à ceux-ci des exemptions de service, à ceux-là des commandements militaires. Ce qui est certain, c'est qu'avec un patrimoine des plus médiocres, et sans qu'aucun héritage lui fût échu, on le vit tout d’un coup riche ; et s’il fit rentrer dans leurs biens ceux à qui Commode les avait enlevés, ce ne fut pas sans en exiger un prix quelconque. Il assista toujours aux séances ordinaires du sénat, et toujours il y proposa quelque affaire. Il montrait beaucoup de bienveillance à ceux qui venaient le saluer ou qui lui adressaient la parole. Protégeant les maîtres contre les accusations calomnieuses de leurs esclaves, il condamna ces délateurs au supplice de la croix : il vengea même ainsi quelques citoyens déjà morts.

X.

Falcon, qui aspirait à l'empire, tendit des embûches à Pertinax. Ce prince en fit ses plaintes au sénat, qui les crut fondées. Un esclave se disant fils de Fabia, et par conséquent de la famille de Céjonius Commode, se donna le ridicule de revendiquer la demeure impériale. Il fut reconnu, fustigé, et rendu à son maître. Ceux qui haïssaient Pertinax trouvèrent, dit-on, dans cette vengeance le prétexte d'une sédition. Toutefois l'empereur fit grâce à Falcon : il sollicita même le sénat en sa faveur, et celui-ci resta tranquille possesseur de tous ses biens, dont son fils hérita à sa mort. Plusieurs écrivains prétendent que Falcon ignorait qu'on lui destinât l'empire ; d'autres, que des esclaves infidèles voulurent l'accabler sous de faux témoignages. Quoi qu'il en soit, le préfet du prétoire Létus, et ceux que gênait la probité de Pertinax, formèrent une conspiration contre lui. Létus se repentait d'avoir fait un empereur qui le traitait quelquefois de mauvais conseiller. Les soldats, de leur côté, faisaient un crime à Pertinax d'avoir fait mourir, dans l'affaire de Falcon, plusieurs de leurs camarades, sur le seul témoignage d’un esclave.

XI.

Trois cents d'entre eux[3] se dirigèrent avec leurs armes, et les rangs serrés, vers le palais de l'empereur. Il avait sacrifié ce jour-là même, et n'avait pas trouvé de cœur dans la victime : pour détourner ce présage, il en immola une seconde, où le foie manqua. Des soldats vinrent du camp, où ils étaient tous réunis, se mettre à sa disposition, comme à l'ordinaire; mais Pertinax, remettant à un autre jour, à cause des

  1. Sur la côte de Gênes, à deux lieues de Savone, Cluvier croit que c'est Savone même.
  2. Le plongeon est connu pour sa voracité.
  3. Dion Cassius dit deux cents.