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charbon, et qui, voyant son fils s'opiniâtrer à continuer ce commerce, lui fit, dit-on, porter le nom de Pertinax[1]. Ce dernier naquit dans un endroit de l'Apennin, nommé la villa de Mars[2]. Au moment de sa naissance, un poulain monta sur le toit de la maison, y resta quelques instants, et se tua en tombant. Le père, frappé de cette circonstance, alla trouver un Chaldéen ; mais après l'avoir entendu lui prédire pour son fils une brillante destinée, il s’écria : « J'en suis pour mon argent. » Pertinax apprit de bonne heure à lire et à compter. On lui donna aussi un maître pour le grec, et ensuite Sulpitius Apollinaire. A la mort de ce dernier, il se mit lui-même à enseigner la grammaire. Ce métier lui rapportant fort peu, il demanda et obtint, par le crédit du consulaire Lollianus Avitus, patron de son père, la dignité de centurion. Devenu, sous l'empereur T. Aurélius[3], chef d'une cohorte qui était en Syrie, il partit pour la rejoindre ; mais il fut forcé par le gouverneur de cette province à faire à pied le chemin, depuis Antioche jusqu'au lieu de sa destination, parce qu'il avait entrepris ce voyage sans lettres de service[4].

II.

Il servit avec distinction dans la guerre contre les Parthes, et il passa de là en Bretagne, où on le retint quelque temps. Il commanda ensuite un corps de cavalerie dans la Mésie, et il fut chargé, à son retour, du soin d'approvisionner les villes situées sur la voie Emilienne. Plus tard, il conduisit une flotte dans la Germanie. Sa mère, qui l’accompagna jusque dans ce pays, y mourut et l’on assure qu'on y voit encore son tombeau. Après cette expédition, il passa dans la Dacie avec un emploi de deux cent mille sesterces[5]. Mais Marc-Aurèle, à qui des rapports malveillants le rendirent suspect, ne tarda pas à le rappeler. Peu de temps après, Claude Pompéien, gendre de l'empereur, qui semblait vouloir s'en faire un partisan pour plus tard, lui donna un commandement dans la cavalerie. Cette charge, qu'il remplit avec honneur, lui ouvrit l'entrée du sénat. Il continua de se distinguer partout. La trame ourdie contre lui fut enfin découverte, et Marc-Aurèle, pour réparer l'injure qu’il lui avait faite, le mit au rang des anciens préteurs et à la tête de la première légion. A peine investi de ce commandement, il délivra les Rhéties et la Norique des ennemis de l'empire. Sa réputation augmentant de jour en jour, l'empereur Marc-Aurèle le désigna consul. On trouve dans Marius Maximus un discours de ce prince contenant l'éloge de Pertinax et la relation de tout ce qu'il a fait ou souffert. Sans le répéter ici, disons que Marc-Aurèle fit très-souvent son éloge en plein sénat et en présence de l'armée; il témoigna même publiquement beaucoup de regret de ce que sa qualité de sénateur ne permettait pas de l’élever au rang de préfet du prétoire[6]. Les troubles excités par Cassius une fois apaisés, Pertinax quitta la Syrie, pour couvrir le Danube. Il fut ensuite nommé gouverneur des deux Mésies, et, peu après, de la Dacie. Ses exploits dans ces différentes provinces lui valurent le gouvernement de la Syrie.

III.

Pertinax montra beaucoup d'intégrité jusqu'à l'époque de son gouvernement de Syrie; mais, après la mort de Marc-Aurèle, il devint

  1. Pertinax, persévérant, opiniâtre.
  2. Alba Pompéia, dans la Ligurie, aujourd'hui Albe, dans le Montferrat.
  3. Antonin le Pieux.
  4. Ces lettres autorisaient à se servir des chevaux publics.
  5. 19,895 fr.
  6. On ne tirait alors les préfets du prétoire que de l'ordre des chevaliers. Alexandre Sévère changea cet usage.