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désignait à ses ignobles plaisirs : les mêmes festins pour tous, pour tous les mêmes bains. Il s’habillait parfois en victimaire, et immolait des victimes. Parfois aussi il escrimait dans l’arène, avec de simples fleurets ou même avec des épées bien affilées, contre ces gladiateurs qui combattent sous la loge impériale.

Cependant Perennis s’arrogea tout le pouvoir ; il fit périr ceux qu’il voulut ; il dépouilla beaucoup de citoyens ; il bouleversa toutes les lois ; il s’appropria un butin immense. De son côté, Commode tua Lucilla, sa sœur, après l’avoir déshonorée. Il viola aussi, dit-on, ses autres sœurs, se fit livrer la cousine germaine de son père, et fit prendre à une de ses concubines le nom de sa mère et de sa femme. L’ayant surprise en adultère, il la chassa, puis l’exila, et enfin la fit mourir.

Il obligeait ses concubines mêmes à se livrer, sous ses yeux, aux plaisirs de l’amour. Avide de toutes les infamies, il soutenait, à son tour, les assauts des jeunes gens ; et il n’y avait pas une partie de son corps, y compris la bouche, qu’il ne souillât dans son commerce avec les deux sexes.

Claudius périt, vers ce temps-là, sous le fer de prétendus voleurs : il était le père de Pompéien, qui était, un jour, entré chez Commode un poignard à la main. Beaucoup d’autres sénateurs furent mis à mort sans avoir été jugés, ainsi que des femmes connues pour leur fortune. Dans les provinces, quelques particuliers dont Pérennis enviait les richesses en furent dépouillés, ou périrent pour des crimes supposés. A ceux qu’on ne pouvait accuser d’aucun crime réel, on en faisait un de vivre encore après avoir voulu instituer Commode leur héritier.

VI.

Les généraux romains obtinrent, à cette époque, en Sarmatie, des avantages dont Pérennis rapporta toute la gloire à son fils. Cependant ce favori si puissant, accusé auprès de Commode, par des députés de l’armée de Bretagne, d’en avoir ôté le commandement à des sénateurs pour le confier à des chevaliers, se vit tout à coup déclarer ennemi public, et fut abandonné à la fureur des soldats. Cléandre, officier de la chambre de l’empereur, succéda au pouvoir de ce ministre. Commode, après la mort de Pérennis et de son fils, feignant qu’ils avaient agi sans son aveu, révoqua une partie de leurs actes, comme s’il eût pensé à rétablir l’ordre dans l’État.

Mais il ne put garder au-delà de trente jours le repentir de ses crimes, et il en commit, par le ministère de Cléandre, de plus atroces encore que par celui de Pérennis. Cléandre avait, comme on l’a dit, remplacé celui-ci, et la préfecture du prétoire avait été donnée à Niger, qui ne conserva, dit-on, ses fonctions que six heures. Les préfets du prétoire étaient changés d’une journée, d’une heure à l’autre ; et Commode se montrait plus cruel que jamais. Martius Quartus ne fut que cinq jours préfet du prétoire. Ceux qui se succédaient dans ce poste y étaient ou maintenus ou tués, selon la volonté de Cléandre. D’un mot, il élevait des affranchis au rang de sénateurs et de patriciens. On vit pour la première fois vingt-cinq consuls dans une même année. Toutes les provinces furent mises à l’encan. Cléandre vendait tout ; il rappelait les exilés, les comblait de dignités, cassait, à son gré, les jugements. Il acquit, grâce à l’imbécillité de Commode, un tel pouvoir, que Byrrus, beau-frère de l’empereur, ayant blâmé hautement et