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former Commode et par ses leçons et par celles des plus célèbres et des plus habiles professeurs. Il lui donna, pour la littérature grecque, Onésicrite ; pour les lettres latines, Capella Antistius ; pour la rhétorique, Atléius Sanctus. Mais Commode ne tira aucun profit de l’enseignement de tous ces maîtres, « tant est grande, comme on l’a dit, la force du naturel, ou l’influence de ceux qu’à la cour on appelle des instituteurs. »

Dès sa plus tendre enfance il fut impudique, méchant, cruel, libidineux, et il souilla jusqu’à sa bouche. Il s’appliqua à des choses qui ne conviennent guère à la majesté impériale, comme à modeler des coupes, à danser, à chanter, à siffler, enfin à exceller dans l’art des gladiateurs et des bouffons. Il donna dans la ville de Centumcelles, à l’âge de douze ans, un présage de sa cruauté. N’ayant pas trouvé le bain assez chaud, il ordonna de jeter l’étuviste dans la fournaise. Son pédagogue, qu’il en avait chargé, y fit brûler une peau de mouton, dont la puanteur fit croire à Commode qu’on avait exécuté ses ordres.

Il porta, dès son enfance, le titre de César, avec son frère Sévère ; et il fut agrégé, à quatorze ans, au collège des pontifes.

II.

Il fut nommé un des trois princes de la jeunesse, le jour où il prit la toge virile. Revêtu encore de la prétexte de l’enfance, il donna un congiaire au peuple, et il y présida dans la basilique de Trajan. Il reçut la toge le jour des nones de juillet, jour où disparut Romulus et où Cassius se révolta. Après avoir été recommandé aux soldats, il partit avec son père pour la Syrie et pour l’Égypte, et il revint avec lui à Rome. Ayant ensuite été dispensé de la loi sur l’âge des magistrats, il fut fait consul et on le salua empereur avec Marc-Aurèle, le cinquième jour des calendes de décembre, sous le consulat de Pollion et d’Aper. Un décret du sénat lui fit aussi partager les honneurs du triomphe avec son père, qu’il suivit encore à la guerre de Germanie.

Ne pouvant souffrir, à cause de la pureté de leurs mœurs, les surveillants qu’on lui avait donnés, il s’entoura des hommes les plus corrompus ; et quand on les lui ôta, il tomba malade de chagrin. La faiblesse de son père les lui ayant rendus, il fit du palais une taverne et un lieu de débauche ; il ne mit plus de bornes à son impudeur, à sa dépense. Il tint chez lui maison de jeu. Il achetait, comme de viles prostituées, les plus jolies femmes, pour tous les caprices de son impudicité. A l’instar de ces maquignons qui vont courant tous les marchés, il achetait lui-même des chevaux pour les courses. Il s’habillait en cocher, et conduisait des chars ; il vivait avec les gladiateurs ; il présentait l’eau dans les maisons de prostitution, comme les esclaves chargés de ce service ; en sorte qu’il paraissait plutôt né pour l’infamie que pour le rang où l’éleva la fortune.

III.

Il renvoya les anciens serviteurs de son père ; il congédia ceux de ses amis qui étaient vieux. Il sollicita inutilement à d’infâmes plaisirs le fils de Salvius Julien, qui était à la tête des armées, et depuis ce temps il ne cessa de le persécuter. Il éloigna de lui les plus honnêtes citoyens, ou en les couvrant d’opprobre, ou en leur donnant des emplois avilissants. Apostrophé par des mimes comme un débauché, il les fit aussitôt déporter, pour qu’ils ne parussent plus sur la scène. Esclave des rois ennemis, il ne continua pas la guerre que son père avait presque terminée, et il revint à Rome. En y rentrant, il avait derrière lui, sur son char, son mignon Antérus ;