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dépenses de ce festin furent évaluées, dit-on, à six millions de sesterces. Marc-Aurèle, quand il en fut informé, gémit profondément sur le sort de la république. Le repas fini, on joua aux dés jusqu’au jour. Ceci se passa après la guerre des Parthes, où l’on dit que Marc-Aurèle avait envoyé Vérus, dans la vue d’épargner à Rome le spectacle de ses désordres, ou dans l’espérance que les épreuves de la guerre changeraient ses mœurs, et le feraient souvenir qu’il était empereur. Mais le repas dont nous venons de parler, et toute sa conduite, montrèrent à quel point il s’était corrigé.

Son fils Antonin Vérus est celui qu’adopta Marc-Aurèle, et qui partagea le soin de l’empire avec ce prince. Ce sont eux qui, les premiers, furent appelés les deux Augustes ; et les fastes consulaires ne les nomment pas seulement les deux Antonins, mais aussi les deux Augustes. L’importance et la nouveauté de cet événement ont paru si mémorables, que, dans quelques fastes consulaires, on a fait de cette époque une ère pour établir l’ordre des consuls.

VI.

Il s’occupait tellement des jeux du cirque, qu’il était, à cette occasion, en continuelle correspondance avec les provinces de l’empire. Etant un jour assis, pour un de ces spectacles, à côté de Marc-Aurèle, il fut, à plusieurs reprises, injurié par la faction des Vénètes, parce qu’il favorisait indécemment leurs rivaux. Il portait, en effet, sur lui l’image en or d’un cheval de la faction prasine, nommé l’Oiseau. Il lui faisait donner, au lieu d’orge, des raisins secs et des dattes, et il se le faisait amener dans le palais de Tibère, couvert de housses teintes en pourpre. Quand ce cheval fut mort, il lui érigea un tombeau sur le Vatican. C’est pour les victoires de ce coursier célèbre que l’on commença à solliciter des chevaux d’or et d’autres récompenses ; et cet animal était, en effet, si estimé, qu’on vit souvent la faction prasine demander pour lui un boisseau de pièces d’or.

Quand Vérus partit pour faire la guerre aux Parthes, Marc-Aurèle l’accompagna jusqu’à Capoue. Comme il continua ses excès dans tous les lieux où il s’arrêta, il tomba malade à Canusium, et son frère se rendit auprès de lui. La guerre même n’apporta aucun changement à sa vie honteuse et efféminée. Tandis que les Syriens, après avoir tué le lieutenant de l’empereur et massacré ses légions, cherchaient à étendre la révolte et dévastaient l’Orient, il chassait dans Apulée, il naviguait près de Corinthe et d’Athènes, au milieu des symphonies et des concerts ; et il s’arrêtait, pour s’y livrer aux plaisirs, dans les villes maritimes les plus célèbres de l’Asie, de la Pamphylie et de la Cilicie.

VII.

Arrivé à Antioche, il continua cette vie déréglée ; et ses généraux Statius Priscus, Avidius Cassius et Martius Vérus, achevèrent en quatre ans la guerre des Parthes, poussèrent jusqu’à Babylone et jusqu’en Médie, reprirent l’Arménie, et méritèrent à Vérus, ainsi qu’à Marc-Aurèle, qui était à Rome, les noms d’Arménique, de Parthique et de Médique. Pendant ces quatre ans Vérus passa l’hiver à Laodicée, l’été à Daphné, et le reste de l’année à Antioche. Il fut la risée de tous les Syriens, dont on a conservé une foule de plaisanteries faites contre lui sur leurs théâtres. Il admit toujours des esclaves à sa table, pendant les Saturnales et les autres fêtes. Cédant aux sollicitations de ses amis, il partit une seconde fois pour l’Euphrate. Il revint aussi à Ephèse, pour épouser Lucilla, que lui envoyait Marc-Aurèle son père, mais surtout pour empêcher que celui-ci ne vînt avec elle jusqu’en Syrie, et n’y apprît sa mauvaise conduite ; car Marc-Aurèle avait dit au sénat qu’il conduirait sa fille jusque-là. La guerre terminée, Vérus