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Ce sont eux qui, les premiers, furent appelés les deux Augustes ; et les fastes consulaires ne les nomment pas seulement les deux Antonins, mais aussi les deux Augustes. L’importance et la nouveauté de cet événement ont paru si mémorables, que, dans quelques fastes consulaires, on a fait de cette époque une ère pour établir l’ordre des consuls.

VI.

Adrien fit distribuer, pour l’adoption de Vérus, des sommes immenses au peuple et aux soldats. Mais le voyant d’une santé si faible, qu’il ne pouvait même pas porter un bouclier d’un certain poids, il dit, de ce ton moqueur qui lui était habituel : « J’en suis pour les trois cents millions de sesterces donnés à l’armée et au peuple : je me suis appuyé contre un mur qui vacille, et qui, bien loin de soutenir la république, peut à peine me soutenir moi-même. » Telles furent les paroles d’Adrien à son préfet. Celui-ci les répéta ; et le César Elius, à qui elles revinrent, en fut dans une inquiétude qui, augmentant tous les jours, alla jusqu’au désespoir. Adrien, pour lui adoucir le fâcheux effet de ses paroles, punit l’indiscrétion de son préfet, en lui donnant un successeur.

Mais cette réparation ne servit de rien : le César Lucius Céjonius Commode Vérus Elius (car il portait tous ces noms) mourut, comme nous l’avons dit. Ses funérailles furent dignes d’un empereur, et il n’eut de la dignité suprême que les honneurs funèbres. Ce fut, dans Adrien, le bon père qui regretta Vérus ; ce ne pouvait être le bon prince. En effet, quelques-uns de ses amis lui demandant avec inquiétude quel était celui qu’il adopterait, on rapporte qu’il leur dit : « Mon choix était déjà fait, même du vivant de Vérus », réponse qui prouve son discernement ou sa connaissance de l’avenir.

Enfin, après de longues incertitudes, il adopta Antonin, surnommé le Pieux, à condition que celui-ci adopterait, à son tour, Marcus et Vérus, et donnerait sa fille à Vérus et non à Marcus. Adrien ne vécut pas plus longtemps, atteint qu’il était d’une maladie de langueur et de divers maux à la fois. II disait souvent « qu’un prince devrait mourir plein de force, et non d’infirmités. »

VII.

Il fit élever des statues colossales à Elius Vérus dans tout l’univers, et des temples dans quelques villes. Enfin, en considération de ce prince, il voulut, comme nous l’avons déjà dit, qu’Antonin le Pieux adoptât non seulement Marc-Aurèle, mais aussi le fils de Vérus, son neveu, qui, après la mort d’Elius, était demeuré dans la famille d’Adrien : « Il faut, disait-il souvent, que la république ait quoi que ce soit de Vérus », mot qui contredit manifestement ce que la plupart des auteurs ont débité des regrets d’Adrien touchant cette adoption, puisque le second Vérus n’eut rien de recommandable, et qui pût faire honneur à la famille impériale, que la douceur de ses mœurs.

Telles sont les choses que j’avais à dire du César Vérus. Quoique beaucoup de personnes nient la nécessité de pareils détails, je n’ai pas voulu les omettre, mon dessein étant de raconter dans autant de livres distincts, et pour satisfaire à un engagement pris envers moi-même, la vie de tous ceux qui, depuis le dictateur César, c’est-à-dire depuis le divin Jules, ont été appelés