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On rapporte aussi qu’il disait, par une allusion moqueuse à l’apothéose des princes morts : « J’ai adopté un dieu, et non un fils. » Un savant, qui était présent, lui ayant dit pour le consoler : « Peut-être a-t-on mal dressé l’horoscope de Vérus, qui, nous le croyons, vivra longtemps. » Adrien reprit, dit-on : « Il vous est aisé de parler ainsi, à vous qui cherchez un héritier pour vos biens et non pour l’empire. » Il est donc évident que l’empereur pensait à élire un autre César, et, sur la fin de sa vie, à éloigner celui-ci du trône.

L’événement seconda ses desseins ; car Vérus, de retour de sa province, se préparait à remercier Adrien, son père, le jour des calendes de janvier, par un très beau discours qu’on lit encore aujourd’hui, et qu’il avait composé lui-même ou avec l’aide de ses secrétaires et de ses maîtres d’éloquence, lorsqu’ayant pris une potion dont il espérait du soulagement, il mourut ce jour-là même ; et comme c’était celui des vœux solennels, Adrien défendit de le pleurer.

V.

Vérus était d’un commerce très agréable, instruit dans les lettres, et, selon quelques écrivains malveillants, plus aimé d’Adrien pour sa beauté que pour ses vertus. Il ne parut pas longtemps à la cour. Si dans la vie privée il ne fut pas tout à fait irréprochable, il ne s’oublia pas pourtant au point de faire honte à son nom. Il avait du goût pour la parure, de la grâce, une beauté royale, une noble figure, une éloquence élevée, de la facilité à faire des vers, et des talents qui ne furent pas inutiles à la république. Ceux qui ont écrit sa vie racontent beaucoup de choses de ses plaisirs un peu désordonnés, mais point infâmes. C’est à lui, dit-on, que l’on doit l’invention du tétrapharmaque, ou plutôt du pentapharmaque, dont Adrien fit depuis ses seules délices, et qui consistait en un mélange de tétines de truie, de chair de faisan, de paon, de jambon pané, et de sanglier. Marius Maximus donne d’autres détails sur ce mets, qu’il appelle tétrapharmaque et non pentapharmaque, ce en quoi nous l’avons nous-même suivi dans la vie d’Adrien. On attribue encore à Vérus un autre raffinement de volupté. C’était un lit formé de quatre gros coussins, de toutes parts entouré d’un léger réseau, et rempli de feuilles de roses dont on avait retiré le blanc : il s’y couchait avec ses concubines, couvert d’un voile tissu de lis, et parfumé des plus suaves odeurs de la Perse. Il a aujourd’hui quelques imitateurs, qui font jeter sur les tables et sur les sièges du festin des roses et des lis soigneusement choisis ; délicatesses qui, pour être messéantes, ne font pourtant pas un mal direct à la société. II avait toujours sous son chevet les poésies érotiques d’Ovide, et les épigrammes du poète Martial, qu’il appelait son Virgile. Entre autres amusements frivoles, il attachait souvent des ailes à ses coureurs, comme on en prête aux Amours, et il leur donnait les noms de tous les vents de la fable, appelant l’un Borée, l’autre Notus, celui-ci Aquilon, celui-là Circius, et les faisant courir sans relâche et sans pitié. Son épouse lui reprochant un jour ses infidélités, on rapporte qu’il lui dit : « Permettez que je satisfasse ailleurs mes passions ; le nom d’épouse est une dignité, et non un titre pour le plaisir. »

Son fils Antonin Vérus est celui qu’adopta Marc-Aurèle, et qui partagea le soin de l’empire avec ce prince.