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d’éprouver le même sort que Domitien fut le seul motif de ses bonnes actions. Quoiqu’il n’aimât pas à charger de ses inscriptions les monuments, il donna le nom d’Adrianople à plusieurs villes, même à Carthage et à un quartier d’Athènes. Il le fit aussi porter à une infinité d’aqueducs. Il institua, le premier, un avocat du fisc. Il avait une vaste mémoire et d’immenses facultés ; en effet, il dictait lui même ses discours, et répondait à tout. On a conservé plusieurs de ses bons mots ; car il aimait la raillerie. Un de ses meilleurs est celui-ci. Un solliciteur, dont la tête commençait à blanchir et auquel il avait refusé une grâce, étant revenu, mais les cheveux teints, la lui demander, il lui répondit : « Je l’ai déjà refusée à votre père. » Il saluait par leurs noms, sans qu’on aidât sa mémoire, un grand nombre de personnes, qu’il suffisait de lui avoir nommées une fois et toutes ensemble : il lui arriva même souvent de relever les erreurs des nomenclateurs. Il savait jusqu’aux noms de tous les vétérans auxquels il avait donné autrefois leur congé. Les livres qu’il venait de lire, même ceux qui lui étaient le plus inconnus, il les redisait de mémoire à quelques auditeurs. Il pouvait à la fois écrire, dicter, écouter, et converser avec ses amis. Il était tellement au fait de tous les détails des comptes publics, qu’aucun père de famille, si vigilant qu’il fût, ne connut aussi bien ses affaires domestiques. Il aima les chevaux et les chiens, au point de leur ériger des tombeaux. Il bâtit une ville appelée Adrianothère, dans un endroit où il avait fait une heureuse chasse et tué une ourse.

XX.

Il ne laissait pas de repos aux juges, qu’il n’eût tiré d’eux tous les éclaircissements nécessaires à la découverte de la vérité. Il ne voulait pas que ses affranchis passassent dans le public pour avoir sur lui quelque influence, et il imputait à tous les princes qui l’avaient précédé les vices de cette espèce d’hommes. Aussi punissait-il quiconque, parmi eux, se vantait de sa faveur. De là ce trait à la fois sévère et plaisant qu’on cite de lui. Voyant, un jour, un de ses esclaves se promener entre deux sénateurs, il envoya quelqu’un lui donner un soufflet, et lui dire : « Tu ne dois pas te promener avec ceux dont tu peux devenir l’esclave. » De tous les mets, il aimait de préférence le tétrapharmaque, qui était composé de chair de faisan, de tétines de truie, de jambon, et d’une pâte croquante. La famine, la peste et des tremblements de terre signalèrent son règne. Il tâcha de détourner tous ces maux par des sacrifices, et il secourut un grand nombre de villes qui avaient beaucoup souffert. Il y eut aussi sous ce prince un débordement du Tibre. Il donna le droit du Latium à plusieurs villes, et il fit remise du tribut à plusieurs autres. Il ne fut entrepris sous lui aucune expédition considérable ; de guerres, il en est à peine parlé. Sa libéralité envers les soldats, et le soin excessif qu’il prit d’eux, l’en firent extrêmement aimer. Il vécut toujours en paix avec les Parthes, parce qu’il rappela le roi que Trajan leur avait donné. Il permit aux Arméniens, qui n’avaient eu sous Trajan qu’un lieutenant, d’avoir un roi. Il n’exigea pas de la Mésopotamie le tribut que ce prince lui avait imposé. Il conserva toujours l’amitié des Albanais et des Hibères, dont il combla les rois