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et sans sa permission, plus familièrement que ne le comportait l’étiquette de la cour. Il ne s’occupait pas seulement de ses affaires domestiques, mais aussi de celles de ses amis, dont il découvrait, par les commissaires des vivres, les actions les plus secrètes, au point qu’ils ignoraient que l’empereur en fût informé, jusqu’au moment où lui-même le leur prouvait. Je citerai un fait qui montrera combien il était curieux de cette sorte de détails. Une femme avait écrit à son mari une lettre où elle lui reprochait son goût pour les plaisirs et les bains, qui l’empêchait de revenir près d’elle. Adrien l’apprit par ses agents ordinaires ; et quand cet homme demanda un congé, il lui fit les mêmes reproches que sa femme et dans les mêmes termes : « Mais, répondit celui-ci, ma femme vous a donc écrit les mêmes choses qu’à moi ? » On a beaucoup blâmé dans Adrien cette curiosité, mais surtout sa passion pour les jeunes gens et ses adultères avec des femmes mariées ; on l’accusa même d’avoir trahi jusqu’à ses plus intimes amis.

XI.

Quand il eut tout réglé dans la Bretagne, il passa dans la Gaule, où il reçut la nouvelle que des troubles venaient d’éclater à Alexandrie, à l’occasion du bœuf Apis, que l’on avait enfin trouvé après bien des années, et dont toutes les villes de l’Égypte se disputaient la garde, avec un acharnement qui avait dégénéré en sédition. C’est alors qu’Adrien fit construire à Nîmes, en l’honneur de Plotine, une basilique, œuvre admirable.

Il se rendit ensuite en Espagne, et passa l’hiver à Tarracone, où il rétablit, à ses frais, le temple d’Auguste. Il y convoqua, en assemblée générale, les députés de toutes les villes de l’Espagne ; et il se conduisit avec autant d’adresse que de prudence envers les habitants de ce pays, dont les uns, originaires d’Italie, tâchaient, par des excuses ridicules, comme le dit Marius Maximus, de se soustraire à l’enrôlement, et dont les autres s’y refusaient violemment. Il courut à cette époque un grand danger, qui devint pour lui l’occasion d’une action glorieuse. Comme il se promenait dans un parc voisin de Tarracone, un esclave de son hôte vint se jeter sur lui l’épée à la main, comme un furieux. Il l’arrêta, le remit à ses officiers qui accouraient, et, s’étant convaincu que ce malheureux était fou, il chargea des médecins du soin de le guérir, sans témoigner de mécontentement à personne.

Dans beaucoup d’endroits où ce n’étaient pas des fleuves, mais simplement des bornes, qui servaient de limites aux barbares, il éleva, pour séparer les territoires, une espèce de muraille faite avec de grands pieux enfoncés dans la terre à une certaine profondeur, et fortement liés entre eux ; système de délimitation qui lui était habituel. Il donna un roi aux Germains, comprima les mouvements des Maures, et mérita du sénat de solennelles actions de grâces. La guerre était sur le point d’éclater avec les Parthes : il lui suffit d’une conférence pour la prévenir.

XII.

Après cela, il fit voile vers l’Asie et les îles jusqu’en Achaïe, et, à l’exemple d’Hercule et de Philippe, il se fit initier aux mystères d’Eleusis. Il accorda beaucoup de privilèges aux Athéniens, et se fit honneur de présider à leurs