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était dû à Trajan ; mais il fit porter sur un char triomphal l’image de ce grand empereur, ne voulant pas que la mort même lui ravît l’honneur du triomphe.

On lui offrit, dès le commencement de son règne et plus tard encore, le titre de Père de la Patrie ; il différa de le prendre, parce qu’Auguste n’avait cru le mériter que dans sa vieillesse. Il fit remise à l’Italie du coronaire, et il le diminua dans les provinces, sur l’exposé fidèle et pressant qu’on lui lit des embarras du trésor. Ayant ensuite appris les incursions des Sarmates et des Roxolans, il fit prendre les devants à ses armées, et se rendit dans la Mésie. Il donna provisoirement à Martius Turbon, après sa préfecture en Mauritanie, celle de la Pannonie et de la Dacie, avec les insignes de cette nouvelle dignité. Le roi des Roxolans se plaignait qu’on eût diminué sa pension ; Adrien prit connaissance de l’affaire, et fit la paix avec lui.

VII.

Il eut le bonheur d’échapper à une conspiration qui devait éclater pendant un sacrifice, et que Nigrinus, destiné par Adrien lui-même à être son successeur, avait tramée avec Lusius et beaucoup d’autres mécontents. Palma fut mis à mort à Terracine, Celsus à Baies, Nigrinus à Faventia, Lusius pendant qu’il était en route ; tous par l’ordre du sénat et contre la volonté d’Adrien, comme il le dit lui-même dans ses Mémoires. Voulant détruire au plus tôt la mauvaise opinion qu’on avait conçue de lui, parce qu’il avait permis de faire mourir à la fois quatre consulaires, il se hâta de venir à Rome, après avoir confié à Turbon la Dacie, avec le titre de préfet d’Égypte, afin de lui donner plus d’autorité.

Pour effacer ces impressions fàcheuses, il fit distribuer, sous ses yeux, un double congiaire au peuple, qui, pendant son absence, avait déjà reçu trois pièces d’or par tête. Quand il eut justifié, dans le sénat, tout ce qui s’était passé, il jura de ne jamais punir un sénateur, que d’après l’avis de cette assemblée. Dès le commencement de son règne, il établit des postes publiques, pour épargner aux magistrats les frais de déplacement. Ne négligeant rien de ce qui pouvait lui assurer l’affection des peuples, il remit aux particuliers, dans Rome et dans l’Italie, toutes leurs dettes envers le fisc. Quant aux provinces, il les tint quittes aussi des sommes considérables qu’elles restaient devoir ; et, pour donner toute sécurité aux débiteurs, il fit brûler, dans le forum de Trajan, toutes leurs obligations. Il défendit de faire entrer dans son trésor particulier les biens des condamnés, et il ordonna d’en faire profiter seul le trésor public. Il augmenta, dans les distributions de blé, la part assignée par Trajan aux jeunes garçons et aux jeunes filles. Des sénateurs avaient perdu, sans qu’il y eût de leur faute, une partie de leur patrimoine ; Adrien, les traitant comme ses enfants, compléta pour eux le cens de la dignité sénatoriale, et la plupart d’entre eux éprouvèrent, tant qu’il vécut, sa prompte libéralité. Ses largesses ouvrirent le chemin des honneurs non seulement à ses amis, mais aussi à des citoyens de la plus basse condition. Quelques femmes reçurent de lui de quoi subsister dignement. Il donna, pendant six jours consécutifs, le spectacle d’un combat de gladiateurs, et, pour