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Cependant le vent chaud fraîchit ici de plus en plus ; l’horizon s’ouvre un peu parfois et vous vous plaisez à contempler tout ce que les commotions du globe ont créé de belles horreurs dans ces pays de montagnes. C’est partout des rochers déchirés ; ici, à six cents mètres d’élévation, des crêtes nues où l’aigle plane comme immobile ; plus bas, quelques touffes d’yeuses ou de figuiers sauvages dans des fentes de rochers ; à quelques pas de vous, une eau verdâtre, écumeuse, qui sort avec fracas d’un antre noir et profond ; et toujours, à côté d’une route sinueuse, la rivière de l’Aude qui, à neuf cents mètres en contre-bas de sa source et après cinquante kilomètres de parcours, lutte encore pour se frayer un passage.

Enfin, l’horizon se découvre encore ; l’on aperçoit les ruines de l’antique monastère de Léez ; quelques maigres champs apparaissent, et l’on arrive peu après au modeste village de St-Martin-Lys où habitait, il y a cinquante quatre ans, l’humble prêtre, du nom de Félix-Armand, homme de génie et de dévouement à toute épreuve s’il en fût, qui, le premier, et avec le seul concours de ses paroissiens, osa tracer un chemin dans les gorges que nous venons de traverser. « Après six ans, le roc est vaincu, c’est le soleil de mai 1781 qui pénètre dans ses flancs, restés clos depuis la création… Et, désormais, le muletier assis sur sa bête, pourra faire, en moins d’une heure, le même trajet qu’il mettait auparavant une demi-journée à parcourir, par un chemin semé de mille dangers. »

Après St-Martin-Lys, la nature devient plus riante. Ici, des côteaux peuplés de chênes, de hêtres et de sapins ; là,