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II

Aujourd’hui tu m’as donné ton corps. Et les portes des tombeaux se sont ouvertes, et les rois des anciens temps sont remontés sur leurs trônes et les reines aux noms oubliés ont couvert de roses leur nudité ressuscitée.

Aujourd’hui tu m’as donné ton corps. Et le soleil s’est arrêté dans le ciel et l’hiver a éclaté en fleurs et les fleuves ont rebroussé leur cours, et plus rien n’est réel au monde en dehors de l’étreinte de tes bras nus.

III

Il est là-bas, paraît-il, au bout du monde, des armées qui cherchent de toutes les gueules de leurs canons et de toutes les pointes de leurs armes à s’entretuer. Le ciel de ce pays est noir de fumée et son sol est rouge de sang. Des étendards et des aigles passent inclinés, dans la foudre et les fanfares. Hommes et chevaux y confondent la chaude écume de leurs blessures et le souffle froid de leur agonie. Et sur la vaste terre pleurent des milliers de femmes, mères, sœurs, ou amantes.

Mais qu’importe la douleur des nations à l’invincible égoïsme de notre amour ? Ici les fenêtres sont closes, la porte est verrouillée, la lampe est éteinte. Baisers sur tes paupières, baisers sur ta bouche, baisers sur tes seins ! Ô ton corps dans