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milieu du brouhaha, j’ai levé mon verre pour boire avec lui à ta santé. Je t’avoue que je me suis retiré plusieurs fois de la folie de cette fête pour penser seul à toi, comme on se retire dans une chapelle pour prier avant de rentrer dans la rue bruyante. Je ne me sers pas de métaphores : penser à toi, n’est-ce pas prier ? La beauté ne peut inspirer que des idées hautes et nobles, et je puis dire que je suis un meilleur homme depuis que je t’ai connue, petite amie.

Tu penses bien que ces méditations s’accompagnaient de mélancolie. Pourquoi, pendant les quelques années que nous avons à vivre sur cette goutte de boue qui tourbillonne dans l’espace, ne pouvons-nous rester auprès des êtres aimés, au lieu d’être réduit à leur communiquer si vaguement nos pensées au moyen de quelques signes tracés sur du papier ?

Laisse-moi baiser le bout de tes doigts, petite princesse, en prenant congé de toi.

IV

Je suis allé hier soir, espérant m’étourdir, au Bal Tabarin, où l’on donnait un bal masqué. J’en suis revenu avec rancœur et dégoût en pensant pour la première fois au suicide. Tous ces gens-