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nion. Au seuil de la porte éclosent, l’une blanche comme l’innocence d’une fillette, l’autre rose comme son premier rêve d’amour, deux azalées. Des cornets de faïence suspendus à la devanture s’érigent, trompettes aux conques blanches qu’y auraient posées des archanges, les arums célestes et royaux. J’entre… Les iris, groupés en raides faisceaux, confondent leurs notes mauves, du bleu léger au violet le plus lourd. Partout éclatent en sauvages désaccords, les tulipes écarlates, jaunes ou bariolées, les renoncules jaunes ou rouges, au cœur noir, les œillets blancs, sanglants ou tigrés. Comme des notes de flûte ou de hautbois, les languissants lilas, les tendres muguets, les délicats myosotis adoucissent la fanfare des autres fleurs. Ici et là jaillissent, du col élancé de vases japonais, des branches cassées de cerisiers, de pêchers ou de pommiers en fleurs, encore émues, semble-t-il, du murmure des premières abeilles. Et, détail charmant, parmi les rosiers plantés dans des jarres de terre cuite, un petit chat blanc au collier de cuir rouge farfouille de sa patte les glorieuses fleurs tremblantes, puis dressé d’un brusque et souple élan au long d’une tige, hume de son museau plissé, les yeux éteints de plaisir, le cœur frais et brûlant d’une rose incarnat.