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Pourtant son ami Lucien Jean, qui traitait les mêmes sujets que lui, aurait dû lui donner l’exemple du goût, de la mesure et de la retenue. Puis il avait fait chez Édouard Ducoté, ce poète de grand cœur dont l’accueil encouragea tant de débutants, la connaissance d’André Gide, à qui nous devons un des chefs-d’œuvre définitifs de la prose française, la Porte étroite. Celui-ci aurait pu lui donner les plus précieux conseils. Mais Gide préfère, non sans raison, la maïeutique au dogmatique, et il laissa Philippe libre de choisir ses voies.

On a souvent comparé la manière de Charles-Louis Philippe à celle de Dostoïevski et de Gorki. Pourquoi ne pas ajouter Tchernichewski ? Je puis cependant affirmer que Tchernichewsky lui était inconnu, que Gorki ne se révéla au public français qu’après la publication des premières œuvres de Philippe, et que Dostoïevski seul a pu avoir sur lui quelque influence. Mais laquelle ? Les écrivains qui s’astreignent à l’observation directe peuvent bien se ressembler par la méthode, mais les hommes et les choses soumis à leur examen varieront à l’infini. Il est peut-être possible d’imaginer un Charles-Louis Philippe russe décrivant la Maison des Morts et un Dostoïevski français chantant Bubu de Montparnasse, mais à quoi peuvent aboutir de si vaines suppositions ? Une