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Paris, le charme, la quiétude et les mœurs de la province. Il avait déjà fréquenté chez Mallarmé qui, à sa première visite, le présenta gravement aux poètes assemblés sous le nom de « Monsieur Louis Philippe ». Plus tard on le vit au café des Lilas en compagnie du peintre Charles Guérin et de Charles Chanvin qui écrivait alors de beaux vers. Celui-ci, qui est aussi long que Philippe était court, se faisait un devoir, chaque nuit, d’accompagner jusqu’à son île son ami qui s’offensait plaisamment de cette tutelle. Mais Chanvin s’obstinait à craindre pour Philippe une mauvaise rencontre. « Tu te ferais assommer d’une chiquenaude, » lui disait-il. Philippe avait la verdeur des petits hommes, et une nuit, sur le Quai Saint-Michel, pour prouver sa force, il chargea Chanvin sur son dos et le porta jusqu’au milieu du Parvis Notre-Dame. Je n’oublierai jamais ce groupe ; Chanvin tanguant et roulant sur le dos de Philippe, raclant le pavé de ses semelles, simulant les gestes du cavalier qui stimule sa monture, et Philippe, cramoisi, ahanant et nous soufflant, après avoir déposé son fardeau, la phrase célèbre de Bubu : « Je suis petit, mais costaud ! »

Charles-Louis Philippe était alors employé à l’Hôtel de Ville et occupait ponctuellement une chaise dans je ne sais quel bureau d’où l’on ad-