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était celle d’une bonté à la fois attendrie et goguenarde. La bonté de Philippe était la meilleure, celle qui n’est pas dupe d’elle-même et qui escompte l’ingratitude d’autrui. Après quelques années de vie parisienne, cet air de matoiserie mansuette s’accentua sur son visage. Mais il se fût bien trompé, celui qui en aurait conclu au désenchantement d’un cœur trop facilement abandonné. La bonté de Charles-Louis Philippe resta forte et entière jusqu’à la fin. Mais, au contact du peuple de Paris, il avait appris à blaguer sa propre sensibilité, à tromper d’une gouaillerie ses larmes, à glisser l’aumône d’un mot ou d’une monnaie entre une amicale engueulade et une bourrade joviale. À le fréquenter, ce peuple enthousiaste, héroïque et moqueur, il avait acquis la pudeur de ses vertus.

Par sa nature même, Philippe avait quelque chose d’innocemment madré. Issu de race paysanne, il savait se défendre contre les autres et contre lui-même. Il ne fallait pas se laisser prendre à ses airs naïfs et à ses allures balourdes. Il était d’esprit fort déluré et comprenait tout à demi mot. Selon le joli proverbe, il entendait bien chat sans qu’on lui dit minon.

Charles-Louis Philippe naquit à Cérilly, dans l’Allier. Son père était sabotier. Plaisons-nous à imaginer l’enfant chétif, souffreteux et vif, épe-