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Rambosson, qui ne se doutait guère qu’il recevrait un jour les peintres les plus illustres de Paris dans son bureau du Petit Palais.

Parfois nous étions moins nombreux, et la conversation devenait plus intime. Je n’oublierai jamais une nuit passée chez Baratte, en compagnie de Vielé-Griffin et d’Adolphe Retté. Dans le brouhaha des voix avinées, parmi les flonflons d’un déplorable orchestre, à qui mes deux amis donnaient des pièces blanches pour qu’il jouât, à mon grand scandale, des airs boulangistes, nous avions passé des heures émues à parler poètes et poésie. Peu à peu l’aube verdissait les vitres de la salle. Par la porte entr’ouverte, l’âcre parfum des légumes vous venait par bouffées des Halles. Le café se vidait. C’est alors que Vielé-Griffin tira de sa poche un manuscrit et qu’il nous récita, dans ce décor de banale débauche, comme une prière qui purifie, un de ses chefs-d’œuvre : La Ronde de la Marguerite :

Où est la Marguerite ?
Ô gué, ô gué, ô gué,
Où est la Marguerite ?
Elle est dans son château de fleurs et de charmilles.

Je voudrais, à propos du livre de M. Retté, évoquer d’autres souvenirs qui complèteront les siens et ceux de M. Gustave Kahn. J’essaierai d’y mettre le plus d’ordre possible.