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irréfléchies de quelques-uns de ses adeptes. Le Symbolisme a eu son grand et son petit cénacles tout comme le Romantisme. On n’a guère vu, après leur première jeunesse, MM. de Régnier, Vielé-Griffin ou Albert Samain au Quartier Latin, théâtre ordinaire de nos exploits. De même, les habitués du salon de Victor Hugo se rencontraient peu dans la maison délabrée de l’impasse du Doyenné, où Théo, Gérard, Arsène Houssaye, et Camille Rogier s’amusaient, le dimanche, quand la locataire de l’étage inférieur s’absentait à la messe, à pêcher par la fenêtre ses poissons rouges abandonnés sur le balcon.

D’ailleurs, qu’on ne s’y trompe pas, si nous savions être gais, notre unique préoccupation était la littérature. Nous allions en bandes compactes du « Voltaire » au « François Ier », du d’ « Harcourt » au « Grand Comptoir », en déclamant des vers et beaucoup plus ivres de lyrisme que d’alcool. Il était de belles nuits, où nous ne parvenions pas à terminer la discussion commencée. L’aurore nous surprenait alors aux Halles, où Moréas ne manquait jamais d’acheter un artichaut cru, qu’il tenait, en l’épluchant, comme un sceptre, tel Agamemnon. Il avait d’ordinaire une belle suite : Charles Morice, qui vaticinait, l’air fatal, sur La Littérature de tout à l’heure ; Adolphe Retté, qu’on retenait d’égorger