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l’édification dans le jardin du Luxembourg. Suisses tous deux, ils partageaient en bons copains la bonne et la mauvaise fortune. L’un d’eux, j’oublie lequel, occupait au sixième étage d’une maison du Quartier Latin une soupente, où l’on ne pouvait se tenir debout qu’en passant la tête par la tabatière. Les jours d’opulence, nos compagnons achetaient une bouteille d’eau-de-vie de Dantzig, et, le verre à la main, leurs têtes passées à travers le toit, ils buvaient, graves, religieux et fraternels, la liqueur qu’ils faisaient miroiter contre le crépuscule, « parce qu’il y avait de l’or dedans ».

Il ne faut pas oublier, parmi les habitués, le cocher Moore, le protégé de Victor Hugo et l’agresseur d’Édouard Lockroy qui, entre deux courses, venait casser la croûte au rez-de-chaussée de la Côte d’Or, et nous faisait monter par le garçon des poèmes plus ou moins informes sur lesquels il sollicitait notre opinion.

Je ne puis quitter la Côte d’Or sans raconter un dîner que Moréas y offrit à Oscar Wilde. Je me défends tout d’abord de vouloir me moquer soit de Wilde, soit de Moréas. Nous fûmes, ce soir-là, les victimes de l’ironique hasard, et d’ailleurs mon anecdote est tout à l’honneur des trois disciples romans de Moréas.

Oscar Wilde était à cette époque au comble de